NOTES

 

Nous n'avons retrouvé ni le vers prêté à La Harpe citant Horace et qui est peut-être de Hugo, ni, telle quelle, la formule « sacrifie(r) » à la canaille qui revient à cinq reprises dans William Shakespeare.

La Harpe semble ne pas en être très éloigné lorsqu'il écrit: « Le Signor Baretti félicite Shakespear d'avoir plu à la canaille. C'est là, dit-il, un miracle anglais. [...] A l'égard du miracle anglais qu'a fait Shakespear en plaisant à la canaille, c'est un miracle qui ne convertira personne en France, parmi ceux qui aiment les Beaux Arts. Il savent que ces arts n'ont pas été inventés pour la canaille, et il faut qu'une cause soit bien désespérée pour qu'on en soit réduit à regarder comme un miracle dans un Poëte dramatique, d'avoir plu à la canaille. » (De Shakespear, dans Oeuvres de M. De La Harpe, Paris, 1778, t. I, p. 475.) Mais La Harpe s'en prend là, comme dans tout l'ouvrage, moins à Shakespeare lui-même qu'à ses apologistes, Letourneur, Mercier, qu'il juge excessifs et contre lesquels il défend la tragédie française plus qu'il n'attaque Shakespeare. Les listes de la bibliothèque de Hauteville House ne comportent aucun livre de La Harpe.

Beaucoup plus proches de la formule que Hugo prête à La Harpe sont les accusations de Lamartine. Dans les Considérations sur un chef d'oeuvre [Les Misérables] ou Les dangers du génie, Lamartine emploie deux fois le mot de canaille: « Ce livre d'accusation contre la société s'intitulerait plus justement l'Epopée de la canaille; or la société n'est pas faite pour la canaille, mais contre elle. » (Cours familier de littérature, vol. 1862-2, Entretien LXXXIII, p. 359.) Et, à propos du « merde » de Cambronne: « Eh bien! parce que le mot est digne, noble, mémorable, parce qu'il exprime héroïquement, quoique simplement, le qu'il mourût de Corneille, parce qu'il mérite d'être inscrit en lettres d'or sur les étendards de la patrie, Victor Hugo, qui croit avoir trouvé mieux dans la langue canaille du peuple, substitue à cette belle langue militaire un mot de faubourg, un mot plus abject, et plus qu'un mot de faubourg, un mot de latrines qui répond par une brutalité laconique, par une bestiale réplique, à une proposition généreuse faite en bons termes à ces braves mourants, et il en fait le plus beau mot (textuel) qu'un Français ait jamais dit, et il s'extasie sur le génie populaire de ce mot. » (ibid., vol. 1863-1, Entretien LXXXV, p. 73.)

D'une manière générale, la critique conservatrice, hostile aux idées socialistes mises en oeuvre dans Les Misérables, observa d'abord que si « les délicats le lisent parce qu'il a un vrai style, les illétrés le recherchent parce qu'il parle aux instincts des masses un langage éclatant et passionné » (Cuvillier-Fleury) avant d'assimiler Hugo à Paul de Kock et Eugène Sue (Barbey d'Aurevilly).